MLO Story – le portrait de Sœur Marie-Joseph

Lorsqu’on évoque la Grande Guerre, notre mémoire se tourne avant tout vers ces hommes tombés ou revenus du champ d’honneur. Toutefois, il est essentiel de se rappeler que certaines femmes ont également joué un rôle héroïque et livré bataille à leur manière. Parmi elles figure la Révérende Sœur Marie-Joseph Grange, supérieure des Sœurs de la Charité à Moret-sur-Loing.

De 1914 à 1918, elle exerça en tant qu’infirmière major et prit rapidement la direction de l’Hôpital Auxiliaire n°26 de Moret, où plus de 1500 soldats blessés ou malades furent accueillis. Tous conservèrent un excellent souvenir de la bienveillance de Sœur Marie-Joseph, qui fut pour eux une précieuse bienfaitrice.

Sœur Marie-Joseph, de son vrai nom Marie-Angéline Grange, naquit le 19 mars 1856 à Megève (en Haute-Savoie), au sein d’une grande et ancienne famille ayant renoncé à ses titres de noblesse pendant la Révolution. À l’âge de 16 ans, en 1872, Marie-Angéline intégra le noviciat des Sœurs de la Charité de la Roche-sur-Foron. Dès ses premières expériences, elle fut orientée par ses supérieures vers une formation en tant qu’hospitalière à “la Charité de Chambéry”, un refuge renommé à l’époque pour être le lieu de concentration, dit-on, “des pires misères de la pauvre humanité”.

Ces expériences formèrent le socle de son engagement futur à Moret, où elle décida de s’installer dès 1881. La vieille cité doit une grande partie de sa renommée aux bonnes sœurs, et notamment à l’excellent sucre d’orge qui constitue la première industrie du Pays de Moret. Cette réussite est en partie due aux initiatives audacieuses et novatrices de Sœur Marie-Joseph, qui ont non seulement doublé la renommée du Sucre d’Orge des Religieuses de Moret, mais aussi augmenté sa production. Ses sacrifices ont également permis d’acquérir la maison historique du Bon Saint-Jacques, où s’installera l’actuelle maison de vente. Ainsi, l’épithète de “seconde fondatrice” du sucre d’orge, attribuée par l’Abbé Louis-Alexandre Pougeois, auteur de “l’antique et cité royale de Moret”, trouve ici toute sa justification.

Lorsque la Grande Guerre éclata en 1914, la Croix-Rouge Française avait depuis longtemps établi une ambulance à la maison de retraite des Religieuses de Moret. Le drapeau de la Croix-Rouge flottait au-dessus de la porte de la maison Saint-Joseph, et l’Hôpital Auxiliaire n°26 fut inauguré. Plus de 1500 soldats blessés y défilèrent, totalisant 40 000 journées d’hospitalisations, depuis son ouverture le 2 août 1914 jusqu’à sa fermeture le 9 février 1919.

Sœur Marie-Joseph ne se contenta pas de soigner les corps ; elle apporta également réconfort et soutien aux âmes des soldats. Au lendemain de la Grande Guerre, le 18 février 1919, le Président Raymond Poincaré lui décerna la Médaille d’Argent de la Reconnaissance Française, accompagnée d’une mention très élogieuse. Sa dernière grande œuvre fut une contribution significative à la ville de Moret pour la construction du nouvel hôpital, grâce aux dons personnels reçus de la famille Burat. La Révérende Sœur Marie-Joseph s’éteignit le 6 juin 1934, à l’âge de 78 ans, après avoir dédié 53 ans de sa vie à Moret-sur-Loing. Sa disparition fut l’occasion d’un hommage unanime à cette femme exceptionnelle qui avait dirigé l’hôpital pendant plus de 50 ans.

Il est rare de trouver une maison à Moret qui n’ait pas bénéficié de ses bienfaits. Dès ses débuts dans la ville, elle se consacra à l’édification de la maison de retraite Saint-Joseph, qu’elle avait fondée et qu’elle transforma en hôpital durant la guerre, avant de la reconvertir en maison de retraite par la suite.

Sœur Marie-Joseph repose au cimetière de Moret, conformément à ses dernières volontés, non loin des soldats qu’elle avait soignés avec tant de dévouement et de bienveillance.

Cette année 2024 marque les 90 ans de sa disparition. À l’approche de la Journée Internationale des Droits des Femmes, s’il est une figure à célébrer à Moret-Loing-et-Orvanne, c’est bien celle de cette héroïne pas comme les autres.

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